Les zones commerciales et leurs acteurs de la dynamisation des territoires

Le marché de l’immobilier commercial, au 1er semestre, a été marqué par 3 grandes annonces. En premier lieu, le groupe Casino, rattrapé par une dette colossale, cède une partie de ses magasins à Intermarché. Le groupe Carrefour, lui, conclut un accord avec le groupe Louis Delhaize pour le rachat de ses enseignes Match et Cora. Il annonce aussi un partenariat avec Nexity afin de revaloriser près de 80 sites Carrefour en France. Une annonce qui fait écho au plan de transformation des zones commerciales présenté par le gouvernement, le 11 septembre dernier.

Changement d’enseigne pour 119 magasins Casino

Accusant une dette de plus de 6 milliards d’euros, le groupe Casino présidé par Jean-Charles Naouri avait annoncé fin mai la signature d’un accord avec le Groupement des Mousquetaires. Au total, 119 points de vente, issus du périmètre Casino France (hypermarchés, supermarchés, enseignes de proximité), seront ainsi cédés à Intermarché dans les 3 ans à venir. Les enseignes Franprix et Monoprix, elles, ne sont pas incluses dans l’accord.

D’après plusieurs sources syndicales, une première vague de cessions devrait intervenir dès le 2 octobre prochain, qui concerne 61 magasins dont 10 hypermarchés, pour un chiffre d’affaires total de 549 millions d’euros HT. 

La deuxième vague de cession sera lancée au cours des 3 prochaines années, sur un volant similaire de magasins, pour un chiffre d’affaires global de 502 millions d’euros HT.

Enfin, une dernière vague, optionnelle, porte sur un chiffre d’affaires de 461 millions d’euros HT. Il s’agit d’une promesse d’achat pouvant s’exercer à la demande de Casino, durant une période de 3 ans. 

La liste des cessions peut, bien sûr, encore évoluer après examen par l’Autorité de la concurrence. Pour la 1re vague, la bascule juridique s’effectuera via des sociétés de transfert, détenues à 51 % par Casino et 49 % par Intermarché. Cette dernière se donne ensuite le temps nécessaire pour trouver des adhérents intéressés. Une mission loin d’être évidente, d’où la solution de portage proposée. Selon les syndicats, toutefois, Intermarché ne donnera pas de directive à ses adhérents concernant les acquis sociaux, comme le veut la règle dans les groupes indépendants.  

Rachat de Cora et Match par Carrefour

Le groupe Carrefour présidé par Alexandre Bompard a quant à lui annoncé en juillet dernier le rachat des enseignes Cora et Match en France, soit 60 hypers et 115 supermarchés ayant généré en 2022 un chiffre d’affaires de 5,2 milliards d’euros hors taxe. Une opération qui permet désormais à Carrefour de talonner Leclerc avec une part de marché cumulée de 22,5 % (20,1 % pour Carrefour, 2,4 % pour Cora et Match), contre 23 % pour E.Leclerc1. Carrefour conforte ainsi sa position dans le trio de tête des enseignes de la distribution alimentaire, devant l’alliance Intermarché/Casino, et très loin devant Système U et Auchan.

Avec 175 magasins au total, l’opération d’achat concernera près de 24 000 salariés en France, l’accord excluant les activités belges du groupe Louis Delhaize, mais aussi son enseigne de jardinerie, Truffaut. 

La famille Bouriez à la tête du groupe aurait cherché à vendre depuis un peu plus de 5 ans déjà, mandatant plusieurs banques d’affaires. C’est finalement la complémentarité géographique de son parc de magasins avec celui de Carrefour qui s’est avérée décisive dans le rachat. Les magasins Cora et Match occupent en effet des parts de marché importantes dans les régions Grand Est et Nord de la France, où Carrefour est peu présent. Pour Alexandre Bompard, cette « première acquisition majeure en France depuis plus de vingt ans consolide le leadership de Carrefour sur son marché domestique, dans le secteur de la distribution alimentaire ».

Carrefour précise par ailleurs qu’une moitié des synergies annoncées sera liée à l’optimisation de la performance commerciale, à travers le développement de l’omnicanal, l’optimisation de l’activité non alimentaire, l’augmentation du poids de la marque propre, ainsi que les synergies logistiques et les achats.

Si la transaction reste soumise à l’approbation de l’autorité de la concurrence française, Carrefour espère, compte tenu des enjeux de concurrence limités, une finalisation de l’opération à l’été 2024.

Nouveau partenariat entre Carrefour et Nexity

Dans le cadre du plan stratégique Carrefour 2026 présenté par le groupe en novembre dernier, Carrefour s’associe à Nexity pour la réalisation d’opérations de mixité urbaine. 76 sites seront concernés sur l’ensemble du territoire français, touchant l’ensemble des formats (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité). En créant un véhicule de portage foncier avec Nexity, l’objectif est de transformer les magasins existants en des lieux mixtes, partageant l’espace avec des logements, des commerces et des bureaux. La création du véhicule de portage foncier est prévue, au plus tard, pour le 1er trimestre 2024. Il sera détenu à 80 % par Carrefour et à 20 % par Nexity.

Représentant une superficie d’environ 800 000 m2, les 76 sites ainsi transformés devraient permettre la création de 12 000 logements, 120 000 m2 de commerces dont la reconstitution de certains magasins, 10 000 m2 de bureaux et activités, ainsi que 17 000 m2 d’hôtellerie.

40 sites, situés en cœur de ville, seront entièrement réhabilités. L’aménagement des 36 autres, implantés en entrées de ville ou de zones commerciales, concernera des espaces de parking existants. Ils seront alloués à des projets urbains visant à développer la mixité urbaine, lutter contre l’artificialisation des sols et à s’intégrer à l’aménagement du territoire, en concertation avec les élus.

En novembre 2022, Alexandre Bompard estimait que la transformation de son parc en France concernerait au total une surface de 1,5 million de mètres carrés, représentant un potentiel de création de valeur d’environ 500 millions d’euros d’ici à 2030. Un espace foncier qui en fait aujourd’hui, comme les autres acteurs du retail, un acteur majeur de la transformation des territoires urbains.

1 Part de marché cumulée sur les 6 1ers mois de l’année selon Kantar.