Entre luxe et hard discount : une ère de consommation toujours plus polarisée
Alors que la Covid et l’inflation ont affaibli nombre de marques, 2 secteurs diamétralement opposés ont réussi, eux, à tirer leur épingle du jeu : le luxe, qui se porte mieux que jamais, et le hard discount, poursuivant son ascension à la faveur de la hausse des prix, tout en répondant aux désirs d’achats d’impulsion des consommateurs.
Le luxe, un secteur qui prospère au milieu de l’incertitude
Passé au travers de la Covid, le marché mondial du luxe semble également peu affecté par la conjoncture macroéconomique actuelle. Le secteur a retrouvé des niveaux d’activité similaires à ceux antérieurs à la crise sanitaire, avec une croissance qui tend même à s’accélérer. Alors que cette dernière s’élevait à 4 % entre 2014 et 2019, elle a progressé de 16 % en 2021 et 2022, tandis que les prévisions sont estimées entre +7 et 9 % pour la période 2022-2023 et à +6 à 8 % pour 2023-20261. Toujours dans leur euphorie de dépenses post-Covid, les Chinois continuent de tirer le marché, suivis par les consommateurs américains, bien que ces derniers soient plus pessimistes. Viennent ensuite l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis puis, enfin, l’Europe.
Les Millenials et la Gen Z, nouvelles cibles du luxe
Pour les marques, la priorité reste la même : conquérir les segments les plus aisés, qui représentent seulement 1 % du marché mais près de 10 % des ventes en valeur. Le secteur parvient également désormais à recruter dans une nouvelle catégorie de consommateurs, les Millenials et la Gen Z. Ces derniers valent aujourd’hui près de 210 milliards d’euros sur le marché, montant qui devrait doubler d’ici 2026. Non seulement les jeunes dépensent plus que leurs aînés (+15 % en moyenne), mais ils affichent un appétit de dépenses croissant (+33 % pour les Millenials, contre -12 % pour les plus âgés). Une catégorie de population qui offre donc des perspectives positives pour les marques de luxe. Pour s’en saisir, celles-ci doivent construire des offres sur mesure, tout en s’efforçant de fidéliser la Gen Z et les Millenials à moyen terme.
Le hard discount, entre course aux bonnes affaires et achats d’impulsion
À l’autre extrême du marché, les consommateurs plébiscitent les enseignes hard discount, pour modérer la baisse de leur pouvoir d’achat. Mais au-delà des motivations rationnelles, de nombreux désirs contradictoires caractérisent la croissance dans ce secteur. Pour certains, il s’agit de céder à une impulsion en saisissant la « bonne affaire » nichée dans les rayons ; pour d’autres, l’objectif est de se faire plaisir différemment en se procurant un produit non essentiel, après avoir économisé dans son panier de courses habituel. Dans ce contexte, les enseignes comme Aldi, Netto, Action, Normal, Toujust ou encore Primark, pour ne citer que quelques exemples, gagnent du terrain.
Les acteurs historiques du discount accélèrent leur progression
Porté par le succès croissant de ses produits d’électroménagers, de jardinage ou de décoration à bas prix, Lidl vient de lancer son site de vente en ligne. Une petite révolution pour le discounter dont le budget de communication s’élève aujourd’hui à 500 millions d’euros par an, soit l’équivalent d’un Leclerc.
Son éternel concurrent, Aldi, redouble quant à lui d’efforts pour le rattraper. Avec 3 % de parts de marché (contre 8 % pour Lidl), il compte ouvrir et agrandir 100 magasins par an pour atteindre 1 900 points de vente (contre 1 500 pour Lidl). Ces ouvertures sont prévues en particulier en Île-de-France, dans le Sud-Ouest et le Sud-Est. Un nouveau concept, concentrant 1 600 références sur 1 000 m2 avec 90 % de marques propres affichées comme étant 37 % moins chères, devrait aussi lui permettre de conquérir de nouveaux clients. La France est le pays prioritaire de l’enseigne qui y investira cette année 400 à 500 millions d’euros.
De nouvelles enseignes en plein essor
Présente depuis 10 ans dans l’Hexagone, l’enseigne néerlandaise Action, s’est hissée à la 1re place des magasins préférés des Français, devant Mc Do, Leroy Merlin ou Décathlon. En 2022, elle a vu ses ventes exploser de 30 %. Le dynamisme de l’activité ne se dément pas non plus chez Netto qui a vu ses ventes progresser de 8,7 % en valeur et de 2,7 % en volume en 2022. Son chiffre d’affaires, qui s’élevait à 1,3 milliards d’euros en 2022, est en hausse de 19 % en 2033. De janvier à mars, ce sont en outre 1,4 million de passages en caisse supplémentaires qui ont été enregistrées par l’enseigne, laquelle projette d’ouvrir 500 points de vente d’ici à 2027. Enfin, Toujust fait ses premiers pas sur le marché avec un 1er magasin ouvert dans le Gard en mars 2023 et déjà une centaine d’entreprises coopérantes.
L’exception Shein
Si elle ne fait pas partie des marques discount, Shein illustre néanmoins le paradoxe du marché, avec ses produits vendus à petits prix et plébiscités par les 15-24 ans, qui font aussi leurs achats auprès des marques de luxe. 50 % de sa clientèle se situe dans cette tranche d’âge. Présente dans 220 pays, Shein cumule les chiffres records : elle est l’application la plus téléchargée dans la catégorie shopping aux États-Unis tandis que son hashtag #Shein a enregistré 59 milliards de vues sur TikTok. En 2022, la marque a réalisé près de 23 milliards de dollars de ventes.
1 Étude BCGXALTAGAMMA- 2023